"C’est pas parce qu’on n’a rien à dire qu’il faut fermer sa gueule."


27.10.11

Comment j'ai failli épouser un physicien nucléaire millionnaire


Par un beau samedi d'automne, alors que j'hésitais longuement entre un brie crémeux et un petit chèvre aux airelles à la fromagerie du Monop' (#mavieestpassionnante), j'ai été abordée de façon assez... originale, dirons-nous, par un monsieur qui devait avoir la quarantaine bien tassée et me soufflait à la figure une haleine chargée en alcool.

- Bonjour, je suis physicien nucléaire. J'habite juste à côté. Alors quand j'en ai marre de la physique nucléaire, je descends faire mes courses. Histoire de me changer les idées.
(Un génie s'offre à toi, fillette. Enjoy.)
- Ah oui ?
(Comment te dire... Entre la physique nucléaire et le chèvre aux airelles, y a pas photo.)
- C'est fou, hein. Comme si ça suffisait pas de se fatiguer pour gagner de l'argent, il faut encore travailler pour le dépenser ! Quand on est seul, on est bien obligé de faire ses courses soi-même.
(En plus, je suis célibataire. Décidément, c'est ton jour de chance !)
- Nous, on alterne.
(Je crois que je vais prendre le chèvre ET le brie.)
- Bon, ben salut.

Après avoir erré un long moment dans le supermarché bondé en balançant tout ce qui me tombe sous la main dans mon panier, je finis par me diriger vers la sortie. Devant les caisses, c'est la cohue des grands jours. J'en choisis une au hasard. De toute façon, une sorcière s'est penchée sur mon berceau le jour de ma naissance pour me maudire : "Toi, tu choisiras TOUJOURS la mauvaise file d'attente." Suffit de le savoir et de prendre son mal en patience.
Mais qui je découvre devant moi ? Mon ami le physicien nucléaire, pardi ! L'alcool aidant, il a manifestement tout oublié de notre rencontre, vingt minutes plus tôt. Il se penche vers moi pour me glisser sur le ton de la confidence :

- J'hésite à prendre du champagne...
(Le luxe s'offre à toi, fillette. Enjoy)
- Ah oui ? 
(Putain, ça va être long.) 
- Ben oui, ça irait bien avec le faisan.

Je baisse les yeux et effectivement, il a un faisan mort à la main.
Un faisan. Mort. A la main.

- En même temps, j'ai deux bouteilles de Ruinart à la maison. Ça m'embête parce que j'avais promis d'apporter le faisan à un ami, mais je ne sais plus à qui. Ce serait quand même dommage de gâcher ça !
(Toi et moi, nus sur une peau de bête, une bouteille de Ruinart dans une main et un cuissot de faisan grillé dans l'autre.)
- Ah oui...
(... mais non.)
- C'est parce que je reviens de la chasse. Le chauffeur vient de me déposer. D'habitude, on prend l'hélicoptère, mais bon. Et sinon, vous vous appelez comment ?
(Allez, je t'emmène au Sofitel. Fais pas ta majorette.)
- Céleste.
(Pourquoi je réponds, moi ? Et bon sang, où est passée la caissière ?)
- Ooooh, un cadeau du ciel !
(Je te déballe, on s'emballe et le tour est joué.)
- Je crois que c'est à votre tour.
(Merci mon Dieu, la caissière est revenue.)
- Et y a beaucoup de petites Céleste ?
- ...
- Ben oui, vous avez déjà enfanté ?
- Si c'est une façon poétique de me demander si j'ai des enfants, la réponse est oui.
- Ah. En même temps, dans un couple, y a des hauts et des bas.
(il me mime les montagnes russes de la main)
- Non, nous c'est plutôt comme ça.
(je mime l'ascension d'une fusée vers le plafond du Monop')

Sentant la situation lui échapper, il décide de quitter la scène en beauté.
- Vous venez souvent faire vos courses ici ? Parce que le directeur est un de mes amis intimes. (Il se tourne vers la caissière) Hein, mademoiselle ? Comment va Jean-Pierre ? Vous lui direz bonjour de ma part.

Et tournant dignement les talons, il repart comme il est venu.

Avec son faisan mort à la main.




PS : En parlant de faisan, j'ai dîné dernièrement à la Pizza Chic avec la Blonde et Mme Gloubi. Finalement, c'était un peu ma première vraie rencontre avec toi. Eh bien, sache que j'ai passé un excellent moment, on remet ça quand tu veux :-)

19.10.11

L'histoire de ma tante est épatante...



Aesop a mis un tapis de feuilles mortes dans sa boutique de la rue Vieille du Temple et j'ai sacrément envie d'aller me rouler dedans, je vois comme un petit bout de ciel bleu de ma fenêtre, j'ai changé de vernis, y a une expo dont l'intitulé me fait marrer au Mont de piété, j'ai découvert des jolies affiches que je verrais bien au mur chez le Pois chiche et un très beau film d'animation réalisé par Spike Jonze (♥) et Olympia Le-Tan...
Voilà, voilà. Je reviens dès que j'ai kèkchoz de plus intéressant à dire, hein.




http://www.imagekind.com/best-selling-art-prints



Spike Jonze: Mourir Auprès de Toi on Nowness.com.

12.10.11

Mignonne allons voir si la rose...


 Mon petit, l'heure est grave. Le Pois chiche me rend chèvre, le ciel est gris sale, la maîtresse a un sérieux problème de communication avec les parents, le Brun est angoissé, je surnage dans un océan de papiers administratifs à remplir, je pense à Filles perdues cheveux gras chaque fois que je me regarde dans le miroir, bref j'ai le moral dans les chaussettes. Pour ne pas céder totalement à la morositude ambiante, je fais des listes de petits plaisirs...


Déjeuner avec mon Pois chiche, les yeux dans les yeux, au café du coin, quand la maîtresse fait grève. Lui lire La Grève des moutons, une histoire de Jean-François Dumont qui explique la notion de conflit social aux enfants de façon intelligente et drôle.


Manquer le show case de Random Recipe à l'Alimentation générale et sourire malgré tout en voyant le Brun rentrer avec un bouquet de roses. Voir, ce matin, qu'elles se sont ouvertes et m'extasier devant ce vieux rose poudré, si délicat.


Craquer pour trois nouveaux vernis Mavala et changer de couleurs tous les jours...


Lire un livre qui a une couverture de roman de gare, mais qui se dévore d'une traite et te prend aux tripes. D'acier, de Silvia Avallone.



Allez, ça ira mieux demain.

7.10.11

Last exit to La Guigne (épisode 1)



Tout a commencé vendredi. Avec le Brun, on devait occuper gentiment la soirée et une bonne partie de la nuit en buvant moultes boissons alcoolisées avec des adultes nulliparts dans des lieux où tu n'as pas le droit d'entrer si tu fais moins d'un mètre vingt et que tu ne sais pas prononcer correctement le mot "anticonstitutionnellement". Et pour que tout soit parfait jusqu'au lendemain, on avait convenu de déposer le Pois chiche pour le week-end chez sa grand-mère paternelle. J'aurais dû me douter que les dieux mijotaient un mauvais tour quand la mère du Brun a appelés pour dire qu'elle avait un lumbago et qu'elle souffrait le martyre. Bye-bye, soirée de folaï. Pas question de sortir tous les deux si l'un d'entre nous doit se lever à 7 h le lendemain matin pour faire du puzzle jusqu'à ce que mort s'ensuive. Mon deuxième prénom étant Sacrifice, je me dévoue pour rester à la maison (le Brun te dirait que c'est parce que j'étais déjà sortie deux fois cette semaine et qu'il s'agissait d'une fête chez des amis à lui, mais c'est parce que son deuxième prénom est Ingrat).
Une fois le Pois chiche couché, je me love tranquillement dans le canapé pour me faire une soirée télé. Manifestement, les voisins du dessous ont organisé une petite sauterie, j'entends la musique par la fenêtre ouverte. Au moment où je me couche, vers minuit, ils sont en train de massacrer Jump Around. Pendant qu'Everlast se retourne dans sa future tombe, je tourne dans mon lit en cherchant le sommeil.

1 h 00, tiens j'ai dû somnoler quelques instants, ils sont passés du best-of des années 90 à la techno. Cool.
2 h 00, je craque. Je me lève, j'enfile le premier truc qui me tombe sous la main, je mets mes lunettes de vieille taupe et je vais sonner. Sauf qu'il est déjà trop tard, grossière erreur de débutante. Je me retrouve face à un gentil jeune homme très imbibé qui répète après moi en balbutiant et en comptant comme il peut sur ses doigts : "Alors 1, on ferme les fenêtres et 2, on baisse le son. Surtout, n'hésitez pas à descendre s'il y a encore un problème." Voilà voilà, on n'a qu'à faire comme ça. Si je redescends, je sors ma machette jamaïcaine.
2 h 10, David Guetta fait trembler le plancher. Je regarde à la fenêtre, c'est grand ouvert à l'étage en dessous.
2 h 11, je me transforme. Je remets mes lunettes et je redescends.
2 h 13, je cogne comme une brute à la porte. Quelqu'un ouvre. Je suis pas physionomiste, je n'essaie même pas de savoir si c'est un de mes voisins. Je me mets à brailler direct : "TU TE FOUS DE MA GUEULE ? JE T'AI DEMANDÉ DE FERMER LA FENÊTRE IL Y A CINQ MINUTES ! (si ça se trouve, c'est pas à lui que j'ai demandé, mais on va pas chipoter) DEMAIN MATIN, JE DESCENDS A 7 H ET TU VAS FAIRE DES PUZZLES AVEC MON GAMIN, PIGÉ ?"
Je remonte l'escalier sans même écouter la réponse. Avant de fermer la porte, j'entends une voix affolée me lancer : "Pardon, madame !"
2 h 25, la musique s'arrête et tout le monde s'en va. Je leur ai pourri leur fête, je suis officiellement devenue la vieille relou du dessus. M'en fous, je dors.

Je tiens à préciser que quand le Pois chiche s'est réveillé à 6 h 30 (oui, oui, tu as bien lu) le lendemain, alors que le Brun n'était même pas encore rentré... eh ben, je ne suis pas descendue avec les puzzles et je l'ai empêché de courir partout dans l'appart en tapant très fort des pieds. Tu vois, il y a un coeur qui bat sous cette enveloppe de vieille mégère.

28.9.11

Le point mode



Sache que je suis une dépensière compulsive. D'où mon surnom de Mme Clakpognon. Depuis quelques années, je suis un peu mieux dans mes baskets et j'ai moins tendance à filer chez le Suédois ou l'Espagnol pour renouveler entièrement ma tenue du jour chaque fois que je me sens fagotée comme l'as de pique. Peut-être aussi parce que j'ai appris à mettre des choses qui me vont plutôt qu'à m'habiller comme des filles à qui j'aimerais ressembler. Bref.
A la naissance du Pois chiche, j'ai eu comme une rechute. Aaaah, la joie de dépenser pour lui en jetant toute culpabilité aux orties ! Pendant quelques temps, j'ai rempli des paniers à tours de bras sur l'Internet mondial. Ces deux rabat-joie que sont mon banquier et mon Brun y ont vite mis le holà. Le premier m'a accablé de lettres évoquant mon découvert autorisé, les anomalies de fonctionnement sur mon compte et des offres mirobolantes de crédit à douze mille pour cent. Quant au deuxième, il s'est contenté de me signaler qu'on risquait de finir tous les trois enterrés vivants sous des montagnes de fringues. "Pourquoi tu dis ça ?" ai-je nonchalamment demandé en m’arcboutant contre le tiroir de la commode pour l'empêcher de vomir son contenu.
Depuis, je me suis assagie. Mais j'ai pas renoncé à toute transaction financière, hein. Faut pas déconner, non plus. Disons juste que je ne cède plus à la pulsion. C'est pour ça que ce tee-shirt poupiya de chez Golden Purple, eh ben je le regrette pas une seconde tu vois.

26.9.11

Jour de grève

"Chers Parents,

Ensemble nous avons à cœur que votre enfant réussisse son année scolaire avec sérénité et nous ferons tout pour cela.
Mais à cette rentrée, la situation est grave
Dans la lignée des années précédentes, le ministère a supprimé 9 000 postes d’enseignants des écoles de France alors que 8 300 élèves supplémentaires sont accueillis dans les classes. Conséquences :  
davantage d’élèves par classe 
moins d’enseignants spécialisés pour aider les élèves en difficulté
moins de remplaçants et des enfants répartis dans les autres classes quand l’enseignant est absent
les enfants de moins de trois ans laissés à la porte de l’école maternelle même quand vous souhaiteriez les scolariser...
A cela s’ajoute :
la suppression des emplois d’aide administrative à la direction d’école  
la disparition des assistants pédagogiques dans les ZEP
la formation des nouveaux enseignants lourdement diminuée.
Dans un contexte de crise, le gouvernement fait le choix de sacrifier l’avenir et prévoit déjà de supprimer encore plusieurs milliers de postes d’enseignants des écoles à la rentrée 2012.
Pour nous, il faut faire entendre que l’éducation doit redevenir une priorité. Il en va de l’avenir de chacun des enfants, comme de celui du pays.
C’est pourquoi, le mardi 27 septembre, votre enfant n’aura pas classe. Nous pensons que nous devons poursuivre notre engagement en faveur d’une école qui favorise la réussite de tous, reposant sur une société plus juste et qui investit sur l’avenir. Nous comptons sur votre compréhension et sur votre soutien."

Quand tu vois que même les enseignants du privé font grève, tu te dis qu'il est peut-être temps de paniquer, non ? D'autant que la France est déjà bonne dernière de l'OCDE (Europe occidentale et Amérique du nord, Japon, Australie, Nouvelle-Zélande, Corée et certains pays d'Europe centrale comme la République tchèque, la Hongrie et la Pologne) en nombre de professeurs par élève. Alors les suppressions de postes, ça commence à bien faire. OK les gars ?

22.9.11

J'ai vu la fureur et les cris *


Toi et moi, on sait que la vie n'est pas qu'un long éclat de rire. Enfin surtout moi, rapport au fait que Verdun est à la rentrée ce que la Petite Maison dans la Prairie est à Saw VI (j'adore ce titre). Crois-moi, bleubite, j'ai vu des choses qui feraient passer tes pires cauchemars pour une simple promenade de santé.
Le lundi, au réveil, le Pois chiche a eu comme un pressentiment. Il m'a annoncé d'un air dégagé : "Aujourd'hui, je veux pas aller à l'école." Et il a ajouté : "Parce que le Pois chiche, ça l'intéresse pas, l'école." Tu noteras que ce n'est pas parce qu'il a peur ou parce qu'il préférerait être en train de courir nu autour d'une piscine en pissant sur les figuiers. Non, non, non. C'est juste que la pâte à modeler, ça va bien cinq minutes. Il a hâte que la maîtresse aborde enfin La Critique de la raison pure. (Tu noteras aussi qu'il parle de lui-même à la troisième personne, ce qui nous donne parfois des scènes d'autocongratulation dignes d'Alain Delon : "Le Pois chiche, il est FORT. Il a réussi à mettre ses chaussures TOUT SEUL. T'as vu, maman, comme il est fort, le Pois chiche ?").
En partant de la maison, il me faisait encore la conversation. Mais plus on approchait de l'école et plus il devenait silencieux. Et plus il s'assombrissait. Et plus il ralentissait. Encore un peu et on reculait.
En arrivant dans le couloir, on a commencé à entendre les cris. J'ai vu le visage de mon petit homme se chiffonner et ses yeux se sont remplis de larmes. J'ai senti que moi aussi, j'avais la boule au ventre. Dans la classe, c'était la panique. Un gamin écarlate hurlait à la mort en s'accrochant à sa mère pendant qu'un autre luttait contre l'atsem pour plonger vers la porte. Hébétés, agrippés à leur doudou comme s'ils venaient de vivre une catastrophe naturelle, les autres gamins se rencoignaient sur leurs chaises en versant des torrents de larmes... Mais à la guerre comme à la guerre, chacun pour soi. J'ai fini par m'enfuir lâchement, poursuivie par les appels pitoyables de mon fils. Je te jure que je n'exagère pas (ou à peine).

Bref, contrairement à toute attente, le Pois chiche a survécu a cette première journée (et moi aussi). Depuis, il arrive parfois qu'on s'échange un regard de connivence, sans rien dire, de l'air de ceux qui savent qu'il vaut quand même mieux en rire...




(* Référence hautement intellectuelle accessible uniquement aux plus de 35 ans)