"C’est pas parce qu’on n’a rien à dire qu’il faut fermer sa gueule."


18.2.11

La honte

Hier soir, en rentrant du fameux dîner coréen, l'estomac plaisamment lourd, je descends prendre le métro à la station Cadet. En face de moi, deux types, en pantalon de toile noir, chemise blanche et blouson, avec un vague côté informaticien en goguette, s'envoient des grandes claques dans le dos et vocifèrent en titubant le long du quai. Manifestement, ils avaient bien arrosé la soirée.

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Soudain, ils arrivent à la hauteur d'un clochard. Un grand échalas barbu qui serre un sac en plastique contre son coeur. Ils commencent à le houspiller un peu. L'autre les repousse d'un revers de main et s'éloigne aussitôt vers l'autre bout du quai. Et là, les deux mecs se mettent à brailler : "Putain, t'es pas rigolo ! T'es un clochard et t'es même pas rigolo. Mais tu sers à quoi ? Tu sers à rien, en fait. Allez saute ! Saute ! SAUTE !!!" Je te jure, j'en croyais pas mes oreilles. A aucune moment, ils ne l'ont vraiment menacé physiquement, et pourtant c'était d'une violence inouïe.
Mais le pire, c'est que j'ai rien dit. J'ai eu peur qu'ils passent de mon côté et qu'ils viennent m'emmerder, moi. Alors j'ai fermé ma gueule, comme tous ceux qui étaient là. Et quelques instants plus tard, ils sont partis.

Il me restait trois minutes à attendre avant que le métro arrive, trois minutes pendant lesquelles j'ai essayé en vain de croiser le regard du clochard, qui gardait les yeux obstinément rivés au sol, en serrant toujours son sac contre son coeur. Les trois plus longues minutes de ma vie.

4 commentaires:

  1. !!!!!!!!!!!!! j'aurais sans doute (sûrement même !) fait comme toi mais la violence verbale de la scène me sidère aussi, voire me terrifie par sa gratuité !

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  2. Là je ne ris plus... j'ai juste mal.

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  3. quand je dis que les gens sont tellement malheureux qu'ils rient du malheur des autres !!!!!!!

    arrêtons d'être con !!!!!

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  4. ktl : J'ai l'impression qu'il y a pas mal de gens qui n'hésitent pas à se défouler quand ils sont face à quelqu'un qui ne peut pas se défendre (hier encore, un type s'est énervé sur une caissière chez Monop' à tel point qu'elle a fondu en larmes. Ca me rend dingue !)

    Christina : Oui, c'est triste de se dire que les gens qui sont les plus vulnérables sont aussi les plus exposés à la connerie humaine.

    Ludivine : Y a des moments où c'est un peu désespérant, non ?

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