"C’est pas parce qu’on n’a rien à dire qu’il faut fermer sa gueule."


23.3.11

Comme mon père


Tu connais le proverbe qui dit que la pomme ne tombe jamais très loin de l'arbre ? En tant que parent, c'est le genre de réflexion qu'on accueille, au mieux, avec de la fierté et, au pire, avec une exaspération amusée. "C'est vrai qu'il aime lire comme moi," ou "Qu'est-ce qu'il est impatient, on dirait toi..." Parce que finalement, même quand il émerge de ses douze heures de sommeil d'une-humeur-de-dogue-comme-sa-mère, je le trouve attendrissant, mon pois chiche. Et je me berce de la douce illusion qu'il saura ne prendre que le meilleur de nous deux.
Mais la vérité, c'est que d'ici une trentaine d'années, ce sera surtout contre mes défauts qu'il luttera (et accessoirement contre ceux de son père, mais faudrait pas que ce blog signe la fin de mon couple, non plus). Oui, parce que je ne sais pas pour toi, mais moi, depuis que je suis devenue mère, je passe une bonne partie de mon temps à essayer de ne pas ressembler à mon père. En vain, donc. Un jour, je me suis entendue crier : "Tu ne sortiras pas de table tant que tu n'auras pas mangé !" Moi ! Moi qui sens encore le goût infâme de la soupe qu'on te force à ingurgiter, la gorge qui se ferme, l'estomac qui se soulève...
Personnellement, j'ai grandi dans la terreur des colères paternelles. Jamais il n'a levé la main sur nous et j'ai eu une enfance très choyée. Mais on avait l'impression qu'il pouvait exploser à tout moment. Aujourd'hui, avec le recul, je pense que c'est cette violence rentrée qui m'était insupportable. Le fait de sentir à quel point, il avait ENVIE de nous frapper. Il ne l'a jamais fait, mais il a cassé le crayon avec lequel je ne parvenais pas à faire mes premières divisions. Il a jeté son verre par terre parce que je ne comprenais pas un problème de physiques. Il a fracassé une armoire dans la chambre de ma sœur en lui faisant faire ses devoirs de math... Autant te dire qu'aucune de nous n'a jamais brillé dans les matières scientifiques.
J'ai longtemps cru que le simple fait de mettre des mots sur tout ça suffirait à m'exorciser et que je pourrais me défaire de cette violence comme d'un vêtement trop grand pour moi. Mais elle est en moi, toujours prête à surgir, et je lutte quotidiennement pour la contenir. Comme mon père.


(Les deux dernières photos font partie 
du projet Back to the future d'Irina Werning)

3 commentaires:

  1. et voila comment d'un clic a l'autre on tombe sur de jolis volets que l'on va garder ouverts et revenir lire a travers eux une plume qui nous plait...
    A tres bientot donc
    Emma from San Francisco

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  2. Il faut parfois laisser sa violence sortir... pour quelle ne sorte pas pour de mauvaises raisons! Défoule toi dans un sport ou sur une activité quelconque... (C'est ce que je devrai faire!!!)

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  3. Nous avons tous des moments de colère et de passage à vide ! Je crois que tout parent passe par là, c'est bien normal même si ça fait mal... moi je demande pardon à mes enfants quand je suis allée trop loin et qu'il n'y avait pas de bonnes raisons... Cela appaise tout le monde ! Je t'embrasse... courage...

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