"C’est pas parce qu’on n’a rien à dire qu’il faut fermer sa gueule."


8.1.15

C.H.I.A.L.E.R.



Le 12 octobre 1936, face au général franquiste Millan Astray et à ses phalangistes hurlant "Vive la mort !" et "Mort aux intellectuels !", le philosophe Miguel de Unamuno, recteur de l'université de Salamanque fit la réponse suivante :
Je viens d’entendre le cri nécrophile « Vive la mort » qui sonne à mes oreilles comme «  A mort la vie ! » Et moi qui ai passé ma vie à forger des paradoxes qui mécontentaient tous ceux qui ne les comprenaient pas, je dois vous dire avec toute l’autorité dont je jouis en la matière que je trouve répugnant ce paradoxe ridicule. Et puisqu’il s’adressait au dernier orateur avec la volonté de lui rendre hommage, je veux croire  que ce paradoxe lui était destiné, certes de façon tortueuse et indirecte, témoignant ainsi qu’il est lui-même un symbole de la Mort.
Une chose encore. Le général Millan Astray est un invalide. Inutile de baisser la voix pour le dire. Un invalide de guerre. Cervantès l’était aussi. Mais les extrêmes ne sauraient constituer la norme. Il y a aujourd’hui de plus en plus d’infirmes, hélas, et il y en aura de plus en plus si Dieu ne nous vient en aide. Je souffre à l’idée que le général Millan Astray puisse dicter les normes d’une psychologie des masses. Un invalide sans la grandeur spirituelle de Cervantès qui était un homme, non un surhomme, viril et complet malgré ses mutilations, un invalide dis-je, sans sa supériorité d’esprit, éprouve du soulagement en voyant augmenter autour de lui le nombre des mutilés. Le général Millan Astray ne fait pas partie des esprits éclairés, malgré son impopularité,  ou peut-être, à cause justement de son impopularité. Le général Millan Astray voudrait créer une nouvelle Espagne - une création négative sans doute - qui serait à son image. C’est pourquoi il la veut mutilée, ainsi qu’il le donne inconsciemment à entendre.
Cette université est le temple de l’intelligence et je suis son grand prêtre. Vous profanez son enceinte sacrée. Malgré ce qu’affirme le proverbe, j’ai toujours été prophète dans mon pays. Vous vaincrez mais vous ne convaincrez pas. Vous vaincrez parce que vous possédez une surabondance de force brutale, vous ne convaincrez pas parce que convaincre signifie persuader. Et pour persuader il vous faudrait avoir ce qui vous manque : la raison et le droit dans votre combat. Il me semble inutile de vous exhorter à penser à l’Espagne. J’ai dit. »

Aujourd'hui encore, les obscurantistes possèdent une surabondance de force brutale, mais ils n'ont ni la raison ni le droit dans leur combat. Hier, des hommes ont tué d'autres hommes et je me demande comment l'expliquer au Pois chiche.

(Le dessin est de Banksy et le discours d'Unamuno a été traduit par Michel Del Castillo)

6 commentaires:

  1. Le petit quotidien a sorti un numéro spécial gratuit.... Même s'il est difficile d'expliquer linexplicable..

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    1. Oui, j'ai imprimé le numéro spécial du Petit quotidien, qui est très bien foutu. Mais je pense que le rassemblement de dimanche devrait aussi l'aider à mieux mesurer ce qui s'est passé...
      Je t'embrasse, L.

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  2. Très difficile ici aussi d'expliquer à ma belette de 6 ans 1/2 qu'on puisse tuer pour des dessins, tuer parce qu'on n'est pas d'accord, tuer parce qu'on n'a pas trouver une blague drôle.
    C'est ce qu'on vit au quotidien chez nous : on dessine, on n'est pas d'accord et on fait des blagues nulles. Alors... ?

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    1. Alors continuons à faire des blagues nulles et à ricaner bêtement, c'est notre meilleure arme.
      Je t'embrasse Carotte.

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  3. salut Céleste,

    Suis en France, on se croisera sans doute demain, nos pois-chiches à la main. Faut qu'on s'reprenne bon sang! Faut qu'on révise nos classiques!; besos

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    1. Salut Agnès,
      Est-ce que tu y es toujours, en France ? J'aimerais bien te rencontrer en vrai, si tu repasses par Paris un jour... Et donne-moi de tes nouvelles par mail, bon sang !
      Je t'embrasse.

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