Figure-toi que lundi, il y avait grève à la crèche. Jusque là, rien de très inhabituel, me diras-tu. Mais tant qu'à prendre ma journée, je me suis dit que j'allais laisser la Mouette à ma mère le matin et emmener le Pois chiche voir l'expo Harry Potter chez Luc Besson, à la Cité du Cinéma. Contrairement à mon habitude, j'ai voulu faire preuve d'organisation et j'ai pris mes petits billets sur Internet pour la séance de 10h30. Enfin, "petits billets"... Je me comprends. A trois, on en avait tout de même pour plus de 50 euros. Mais bon, l'amour n'a pas de prix et pour le reste, il y a Mastercard. Alors, j'ai promis à Môman d'être de retour à 13h30, ce qui lui laissait largement le temps d'être à l'heure chez le coiffeur. Et emportée par mon enthousiasme, j'ai proposé à mon neveu - de 13 ans, je suis pas totalement inconsciente, non plus - de venir avec nous.
Je dois dire que j'étais assez satisfaite de moi-même. Je repensais à notre journée chez Mickey, il y a quelques mois. Le Pois chiche m'en avait parlé avec des étoiles dans les yeux pendant des semaines. Un jour, au moment de se coucher, il m'avait même dit : "Tu sais, avant qu'on aille chez Disney, je trouvais que tu t'occupais trop de la Mouette..." Tout émue, j'avais demandé : "Et ce soir, tu trouves que je m'occupe trop d'elle ?" Il avait réfléchi un instant avant de répondre...
"Non, ce soir tu ne t'es occupée d'aucun de nous deux." D'accord. Il n'empêche, je misais beaucoup sur ce presque tête à tête pour le détendre du slip. Parce que là, j'ai l'impression d'avoir un pré-ado de 6 ans à la maison et c'est parfois... fatigant (comprendre : je suis à deux doigts de demander l'asile politique dans une autre famille).
Mais je m'égare et tu te demandes sans doute où je veux en venir. Nous voilà donc partis à 9h45. Après avoir jeté un coup d'oeil sur le site de la Cité du Cinéma, je vois qu'on peut prendre le RER et je me dis que ce sera plus rapide que le métro. On arrive à Châtelet, le RER est à quai, on monte en courant dans le train. Baccalauréat, quizz sur tous les épisodes d'Harry Potter, je maîtrise à mort la situation, nous sommes d'une humeur de rose. Je montre un petit terrain de foot au Pois chiche en lui soutenant que c'est le Stade de France pour faire glousser mon neveu. Tiens, justement, on passe devant le Stade de France. Sans s'arrêter. Quelques minutes plus tard, on passe devant Aubervilliers. Sans s'arrêter. Tu vois où je veux en venir ou bien ? Tu ne dois pas souvent prendre le RER, mon cher Luc, mais moi, en revanche, je le prends assez régulièrement pour savoir qu'il faut vérifier qu'il s'arrête bien à ta gare. Sauf que là, j'ai oublié de le faire. Et que celui-ci, en l'occurrence, était direct jusqu'à Roissy. Oui, r.o.i.s.s.y. Comme dans :
"Mon avion pour Tombouctou part de Roissy."
Je t'avoue que j'ai senti mon humeur vaciller. Mais je ne me suis pas laissée abattre. 50 minutes plus tard (oui, c.i.n.q.u.a.n.t.e.m.i.n.u.t.e.s) nous sommes arrivés à Roissy. D'où nous avons repris un train (heureusement un peu plus rapide) pour Paris. Évidemment, il ne s'arrêtait pas à Saint Denis. De Gare du Nord, nous sommes donc repartis vers Saint Denis. A ce stade, on avait épuisé toutes les lettres de l'alphabet et tous les épisodes de la saga. Les enfants jouaient sur un téléphone et j'avais une crampe aux lèvres à force de sourire en priant Sainte Rita, l'avocate des causes perdues, pour que Luc nous laisse entrer chez lui, malgré nos deux heures de retard.
Quand on est descendus à la Plaine Saint Denis, j'ai entré l'adresse dans mon GPS. Et j'ai découvert que la Cité du Cinéma était encore à 33 minutes à pied de la station de RER. Oui,
t.r.e.n.t.e.t.r.o.i.s.m.i.n.u.t.e.s. Mon cher Luc, j'ai le regret de t'annoncer qu'à cet instant précis, j'ai dit des gros mots. Je crois bien que j'ai insulté ta maman, alors que c'est sûrement une brave femme. Mais tout de même, c'est un peu comme si je t'invitais dans le Marais et que je te disais de descendre à Concorde. Certes, la route est jolie, mais t.r.e.n.t.e.t.r.o.i.s.m.i.n.u.t.e.s. à pied, quoi. Là, je dois admettre que j'ai peut-être envisagé de rentrer à la maison. Avec quelques sanglots dans la voix. Mais ma reum a annulé son rendez-vous chez le coiffeur, le Pois chiche m'a regardé en faisant trembloter sa lèvre inférieure et on a pris un bus qui nous a déposés juste devant ta porte. A 12h45. J'avais faim, j'avais pas pris mon café, mais j'ai utilisé mes dernières ressources pour convaincre le Pois chiche de faire ses yeux de chat Potté à l'entrée. Ça a marché.
Une fois à l'intérieur, j'ai cru bêtement que le pire était derrière nous. Le Pois chiche a fait une photo avec la baguette d'Harry Potter, puis le Choixpeau l'a envoyé à Gryffondor : il était
heu-reux. Sur le site, dont la précision laisse décidément à désirer, il était indiqué qu'il fallait compter 1h30 pour la visite. Ça, c'est sans doute quand on prend l'audioguide - à 5 euros. J'ai passé mon tour. Vingt minutes plus tard, je me suis naïvement exclamée : "Oh, c'est le Chemin de Traverse !" "Euh non, m'a répondu mon neveu. Ça, c'est la boutique." Vu le prix du billet, ving minutes de visite, c'est court. Mais soit. Le Pois chiche s'est précipité sur la baguette d'Harry Potter - à 45 euros. J'ai dit non. Mais imagine-toi qu'à cet instant, il a découvert qu'il avait
TOUJOURS rêvé d'avoir la baguette d'Harry Potter. J'ai dit : "Ton père est menuisier, il te la fera lui-même." Ça m'a rappelé l'époque où je rêvais de balancer à la poubelle les magnifiques couvertures en crochet que me faisait mon arrière-grand-mère pour ENFIN avoir la couverture en polyester rose vendue avec le lit à baldaquins de Barbie. J'ai proposé qu'on aille plutôt chercher notre photo. Une photo numérique format A5 où l'on nous voyait avec nos baguettes sur les différents décors clés du film - à 18 euros LA photo. J'ai dit non. Le Pois chiche a pleuré parce qu'il voulait la baguette depuis
TOUJOURS, j'avais toujours pas bu mon café, je l'ai traité d'ingrat et mon neveu a dit : "On n'a qu'à prendre les bonbons à la crotte de nez."
Bref, on est allés voir l'expo Harry Potter.